La main à l'AMAP
- Le 29/06/2015
- Dans Agriculture / Pêche
(AMAP : Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne)
Le Malotru a souhaité s’entretenir avec celui qui a lancé dès 2006 les premières AMAP sur une zone géographique qui, au départ, s’étendait de Cancale à Saint Lunaire. Actuellement, grâce à la création de l’Association des AMAP d’Armorique, on en compte quarante-cinq sur les deux départements d’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor.
L’été, les vacances, les bains de mer, les corps qui se dévoilent, la caresse parfois vigoureuse des éléments sur des complexions plus ou moins décomplexées…Et voilà que l’on ressent à nouveau, comme chaque année à la même époque, le besoin de manger sain, naturel, de sculpter ce corps d’athlète ou de déesse en adoptant des principes de vie en harmonie avec la nature, qui nous réconcilient avec notre image et respectent les équilibres des organismes fatigués par nos emballements quotidiens.
Au-delà de ces considérations touristico-esthétiques, saisonnières et récurrentes, la question de notre alimentation est centrale car elle engage nos choix de vie, autant en ce qui concerne notre santé de chacun d’entre nous, que l’avenir de la planète. Le réseau des AMAP, qui occupe depuis sa création une place particulière dans notre région, construit dans la durée un lien particulier entre les producteurs et les consommateurs, et le modèle d’agriculture qu’il défend se définit comme une réponse locale au défi que représente pour les prochaines années l’objectif de nous nourrir, nous, les bientôt 7 milliards de terriens.
Les politiques imposées aux gouvernements par les lobbies de l’agrochimie, l’épuisement des sols par l’agriculture productiviste, les dérèglements liés au changement climatique, l’accaparement des sols par des multinationales au détriment des populations locales, l’accroissement des surfaces consacrées aux cultures industrielles au détriment des productions vivrières sont des réalités sociales et économiques inacceptables. Des circuits commerciaux absurdes font voyager les denrées autour de la planète au détriment de la qualité et sans autre résultat que d’augmenter la production de CO2. Le succès des AMAP, leur développement et leur viabilité depuis une quinzaine d’années attestent qu’une autre agriculture est possible. Penser l’agriculture seulement en termes macroéconomiques c’est commettre un contresens sur la façon de poser le problème. L’autosuffisance alimentaire est l’une des clés de l’indépendance des états. Elle doit prendre en compte les contextes locaux dans leur globalité, les savoirs des paysans, les sols, le climat, les variétés locales et les besoins des populations.
Le Malotru a souhaité s’entretenir avec celui qui a lancé dès 2006 les premières AMAP sur une zone géographique qui, au départ, s’étendait de Cancale à Saint Lunaire. Actuellement, grâce à la création de l’Association des AMAP d’Armorique, on en compte quarante-cinq sur les deux départements d’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor.
Le Malotru : Sur quel principe est créée une AMAP ?
M.C. : « Fondamentalement, il s’agit d’établir une relation de proximité, durable, entre un producteur et les consom’acteurs, en privilégiant le circuit court et en assurant au producteur des rentrées d’argent régulières qui lui permettent de pérenniser son exploitation. De façon générale, les paysans volontaires sont soit des jeunes qui s’installent, soit des exploitants en difficulté financière dans le système traditionnel et qui cherchent de nouvelles possibilités pour s’en sortir et pour écouler leurs produits en dehors des circuits de distribution habituels. Ce sont essentiellement des productions maraîchères qui sont vendues aux adhérents de l’association sous forme de « paniers » variant selon la saison. Il faut compter environ soixante-dix paniers pour assurer un revenu suffisant au producteur. Un jeune qui débute commencera avec environ quarante paniers pour assurer, puis augmentera s'il le désire ou bien fera le choix d'autres canaux en complément.»
Le Malotru : Et du côté des adhérents, comment cela s’organise-t-il ?
M.C. : « Quand une AMAP est en cours de constitution, on accepte le nombre d’adhérents que le producteur a fixé. Au-delà, on ouvre une liste d’attente qui permet soit de compenser les désistements, soit de préparer l’ouverture d’une nouvelle AMAP; la priorité dans ce cas est de trouver un producteur dans une zone géographique la plus proche possible du lieu de résidence des adhérents. Chaque semaine, on organise la distribution des paniers qui sont composés des produits de saison qui arrivent à maturité. Il faut bien comprendre que le système exige un engagement militant contraignant pour le consom’acteur. On lui demande de s’abonner, d’acheter d’avance, de s’engager pour six mois, de venir chercher son panier chaque semaine sans savoir ce qu’il y aura dans ledit panier. Tout dépend de ce que Dame Nature voudra bien nous donner. On lui demande aussi d’aider à la distribution, voire même de donner un coup de main au producteur. De son côté le producteur s'engage à ne pas utiliser de pesticides, d'engrais chimiques, à prévenir de toute difficulté, à être ouvert aux Amapiens, à ne distribuer que sa production propre. »
Le Malotru : On comprend bien que pour rendre une AMAP pérenne, il faut construire une relation particulière, bien plus forte que le lien pouvant exister entre le client et le distributeur dans le système traditionnel.
M.C. : « C’est une relation bâtie sur un engagement mutuel d’agir ensemble pour une alimentation saine, respectueuse de la nature, sur la confiance, la solidarité, mais sur l’amitié aussi. Le noyau dur est constitué par un réseau de relations bâti autour du milieu associatif, auquel vient s’agréger un ensemble de personnes qui ont fait ce choix de préserver leur santé en consommant des produits de saison frais, sains et cultivés selon des méthodes non productivistes. Souvent, ce qui les attire, c’est la possibilité de connaître le producteur, de comprendre comment il travaille, et éventuellement de participer à quelques activités de la ferme comme le ramassage de pommes par exemple. Cette convivialité permet de rassembler les uns et les autres dans un cadre festif et chaleureux. »
Le Malotru : Et ça marche ?
M.C. : « C’est bien, mais cela pourrait être mieux. Ainsi, on compte actuellement, quatre AMAP autour de Saint Malo, à La Fresnais, Cancale, Saint Lunaire et, bien entendu, Saint Malo. Mais on assiste à un développement important des ventes directes à la ferme, à la mise en place de circuits courts, ce qui contribue au renforcement du secteur d’une agriculture « responsable » et de proximité, mais a entraîné une stabilisation du nombre d’AMAP. D’autre part, en dehors du noyau dur des militants dont je viens de parler, on observe une certaine volatilité des adhérents. Ainsi, aujourd’hui, l’AMAP de Saint Malo fournit environ trente-cinq à quarante paniers par semaine. Un point très positif, c’est que ce système permet d’aider à l’installation de jeunes créateurs, comme à Combourg par exemple, où l’on compte maintenant trois AMAP.»
Le Malotru : Quel est le statut juridique des AMAP ?
M.C. : « Ce sont des associations loi de 1901, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’échange d’argent avec l’AMAP. Le règlement des paniers se fait directement entre le consom’acteur et le producteur. »
Le Malotru : Quelles sont les relations avec les collectivités, la région, le “feu” département ?
M.C. : « Une AMAP n’a pas besoin de subventions pour fonctionner. Il n’y a pas d’argent à collecter. La cotisation des adhérents à l’association suffit à équilibrer le budget de fonctionnement. Lors de la création de l’Association des AMAP d’Armorique, on a fait appel au Fonds Social Européen pour obtenir un budget destiné à l’embauche d’un personnel en contrat à durée déterminée afin d'aider à la création de nouvelles AMAP en organisant les réunions d'information. Ce budget nous a été accordé, ce qui a permis d’engager pour huit mois une personne qui a contribué à mettre en place une quinzaine de structures. On a tenté ensuite de pérenniser cet emploi en faisant appel au Conseil Régional et aux Conseils Généraux d’Ille et Vilaine et des Côtes d’Armor. Le Conseil Régional n’a pas répondu, et le Conseil Général d’Ille et Vilaine n’a mobilisé que quatre mille euros, soir le dixième de la somme nécessaire. Il aurait fallu que la personne embauchée passe le plus clair de son temps à chasser les subventions, ce qui n’était pas vraiment le but de la manœuvre. L’objectif est avant tout de permettre au système AMAP de s’auto suffire.»
Le Malotru : Comment se situent les AMAP dans le contexte actuel de l’agriculture écoresponsable, dont on nous rebat les oreilles ?
M.C. : « Le réseau compte actuellement entre mille cinq cents et mille six cents AMAP en France. C’est donc une réalité qui demeure d’actualité. Dans les discours des politiques, c’est souvent utilisé comme un modèle vertueux dont on se gargarise. Mais cela ne traduit pas une volonté réelle de leur part, ni même sans doute une véritable connaissance du système. C’est un sujet très présent au moment des campagnes électorales. Ensuite, plus rien. A titre d’exemple, il faut savoir que sur Saint Malo, il a été très difficile au démarrage d’obtenir des salles gratuites pour assurer les distributions de panier. Alors,… on fait comme d’habitude, on se débrouille.»