Une crise agricole déclenchée par les lobbys agricoles

Face à la crise agricole, et fidèle à ses principes de « faire connaître des évènements, des réflexions, des analyses qui concernent la vie de la région malouine au sens large, et qui ne sont pas relayés -ou qui sont insuffisamment traités- par les medias locaux ou régionaux », Le Malotru a sollicité Mickaël Romé, représentant de la Confédération  Paysanne pour le Pays de Saint Malo afin qu’il s’exprime sur le sens qu’il donne aux récents évènements et aux interventions dans les medias des représentants de la FNSEA et du gouvernement  . La Confédération Paysanne est membre fondateur d'Attac et membre de la coalition internationale Via Campesina. Mickaël Romé analyse ce qu’il considère comme la crise d’un modèle et trace les perspectives de solutions alternatives.

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Il faut toujours plus de volumes sur des marchés d’exportation à faible valeur ajoutée. La FNSEA fait partie de ces lobbies, elle a réussi par sa cogestion avec l’Etat à supprimer les outils de régulation (quotas…)

Aujourd’hui, nos libéraux demandent plus d’aides publiques, malgré les 12 milliards de PAC versés tous les ans à 600 000 exploitations (environ 20 000E par ferme). La PAC mal répartie (aide qui était au départ une aide au revenu, à la personne), a tout de suite été une aide à l’hectare ou à l ‘animal.

            La FNSEA, c’est la faillite nationale du système d’exploitation agricole. Mr Beulin, son président (président aussi -et surtout- du groupe Sofiproteol-avril, 7 milliards de CA) détient les agrocarburants, les huiles Lesieur, Matine, Puget, les aliments Sanders…

 Celui qui est censé représenter et défendre le monde paysan, représente aussi et à lui seul la transformation (agrocarburant) et la distribution. Il ne se plaint jamais du nombre de paysans qui disparaissent, mais n’a qu’une seule obsession : Performance, restructuration, modernisation, exportation, compétitivité. A condition de maintenir les volumes, les intermédiaires pourront continuer de jouir de leur profits.

            Il s’agit d’une crise du système d’exploitation. Aujourd’hui, on exploite des terres,  des animaux. Les hommes sont également exploités par le système. Tout notre modèle agricole est à revoir. La vocation à produire pour l’exportation, pour soi-disant nourrir les pauvres, est totalement fausse !

            La balance commerciale de l’Europe (import-export compris) représente 7% d’excédent, et sur ce chiffre 70% représentent les spiritueux (soit finalement 2% d’excédent alimentaire pour nourrir la planète). En réalité, notre agriculture participe à la faim dans le monde puisque nous importons toutes nos matières premières de l’hémisphère sud. La France et l’Europe ont besoin de 2 fois leur surface agricole pour maintenir leur production : ce qui n’est pas durable, ni équitable. De plus, nous expédions nos excédents à des prix cassés (subvention à la production et à l’exportation) sur les marchés fragiles des pays pauvres.

Prenons la crise du lait.

Aujourd’hui, nos dirigeants misent tout sur la poudre de lait infantile pour la Chine. On sait que nous sommes là sur un marché de volumes, mais pas de valorisation. D’autres pays sont plus compétitifs que nous sur ce produit. Mais, nous y allons malgré tout. Et, si demain ce marché fonctionne avec un lait à 350 Euros/tonne, on rencontrera un autre souci : le prix du soja qui augmente ou celui du pétrole. Nos coûts de production dépasseront le prix de vente. Et, nous rencontrerons le même scénario de crise qu’aujourd’hui.

 

Il est urgent de régler les pratiques de bon sens paysan :

  • l’autonomie alimentaire de nos fermes en produisant la protéine végétale chez nous (légumineuses, protéagineux, et moins de maïs)
  • des investissements moins importants (reprise, mécanisation)
  • une régulation européenne sur les productions
  • des installations plus modestes. Un jeune aujourd’hui doit investir 500 000E pour démarrer et l’on voit des fonds de pension investir ; une nouvelle sorte de servage se met en place.
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La Bretagne, première région de France en production laitière ne peut pas garantir un litre de lait sans OGM, ce que fait l’Allemagne pour nos magasins discount.

90% des poulets consommés dans nos collectivités viennent aussi d’Allemagne, parce que la Bretagne ne sait produire que du volume pas cher, comme le poulet Doux, tué à 32 jours, à 1 kg. Mais elle ne sait pas produire du poulet de 2 kg, de moyenne qualité comme le poulet de Loué. La Bretagne sait produire 13 millions de porcs par an, mais importe quasiment toute sa charcuterie 

 

Dans le pays de St Malo, on sait produire du chou-fleur toute l’année, voué à l’exportation et congelé, mais nous ne sommes pas capables de produire des légumes frais et variés pour nos restaurateurs sur une année.

 

En conclusion :

            Les exemples ne manquent pas, c’est pourquoi notre agriculture doit avant tout produire pour son territoire, avec une qualité et une recherche de valeur ajoutée, si nous voulons garder des paysans nombreux dans nos campagnes.

            Le paysan ne doit pas être une variable d’ajustement. L’économie agricole ne doit pas dépendre de variables extérieures (un embargo russe ne doit pas déstabiliser l’économie agricole par exemple). Demander des allégements sociaux se traduit par du travail pénible mal payé et des licenciements.

            A chaque crise, plutôt que de remettre en cause ce modèle qui ne tient que sous perfusion, on va distribuer des aides symboliques et surtout soutenir l’investissement à la soi-disant modernisation, que seuls les gros vont capter. Robotiser par le robot-traite, par exemple, se traduit par un remplacement de salariés, de même dans les abattoirs…

            On dit aux agriculteurs de se lancer dans la production d’énergie, avec la méthanisation, alors qu’on va dériver avec les mêmes abus que les agro-carburants. Les cultures dédiées à l’énergie viendront se soustraire aux plantes alimentaires  où nous ne sommes déjà pas autonomes pour la ferme France.

            Le « Made in France », pourquoi pas, sous condition d’être cohérent : Un porc qui mange du soja OGM brésilien, du maïs OGM espagnol, de l’orge d’Ukraine, du manioc d’Afrique, et qui parfois est abattu en Allemagne, qu’a-t-il de « français » ?

            Et si manger c’était voter !! Apprendre à manger local et équitable, c’est soutenir une agriculture responsable qui ne cesse de se développer. Cela pourra faire changer petit à petit nos girouettes politiques, au grands dam des lobbies..

            Il n’y a pas qu’une agriculture, c’est la crise d’un modèle, les alternatives sont multiples et elles sont l’avenir.

 

            Je suis paysan !