Dans le rétroviseur (4) : Les feux de la rampe

Sing Sing, dernière chance ?

Beaucoup de celles et ceux qui lisent le Malotru se retrouvent sans nul doute parmi les inconditionnels de Sing Sing, cette radio associative qui n’a de «locale » que l’appellation officielle et qui les fait vibrer depuis 2001 sur la fréquence 96.7 FM.  Difficile d’estimer son audience, d’autant que ses aficionados ont pris l’habitude de l’écouter aussi sur Internet et sur leur téléphone mobile. Un son unique, exceptionnel, ouvert sur les rythmes du monde, bref, pour une fois l’expression  trouvait son sens, Sing Sing ou la mondialisation heureuse. Fin avril, la fréquence restait muette, au grand désespoir des auditeurs dont certains écoutaient à l’autre bout du monde ses sons et ses chansons émis depuis le bien-nommé lieu-dit La Secouette, entre Saint-Malo et Saint-Coulomb.

2015 10 22 retroviseur4Un différend entre Yann Héligouin et son ancienne compagne Emmanuelle Gruman à propos de la maîtrise juridique de cette radio expliquait cette pause bien malvenue à quelques mois de la remise en jeu du contrat par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel  (C.S.A) comme cela se fait tous les cinq ans. Il n’est pas difficile d’imaginer les convoitises qu’une telle fréquence pouvait susciter à l’heure où se regroupent et fusionnent - dans l’ensemble du secteur médias- holdings financiers et porte-paroles ou sous-marins politiques et idéologiques à l’approche d’échéances électorales décisives. Le nouveau contrat devra débuter fin janvier 2016. Le nom du repreneur vient d’être annoncé.

Au grand dam de Yann Héligouin, aux manettes depuis l’origine, et de tous les fans de cette radio vraiment exceptionnelle, le C.S.A a tranché en faveur d’un des nombreux concurrents, Radio-Bonheur... Cette radio, basée à Pléneuf-Val-André (Côtes d’Armor), tentait sa chance depuis longtemps.

Dominique Le Boudec, le gérant de la Sarl Média Bonheur, doit savourer son succès, mais il s’abstient de toute déclaration. Il sait que sa victoire n’est pas définitivement acquise. Sing Sing, à condition qu’une vaste mobilisation se crée, peut encore contester auprès du juge administratif la décision du C.S.A dès lors que celle-ci lui aura communiqué par courrier les raisons de cette exclusion.

Beaucoup déplorent cette arrivée d’une station radio certes sympathique mais déjà présente dans la région. Radio Bonheur cible clairement un public de « seniors ». Sa stratégie commerciale semble plus essentielle à ses intérêts que l’éveil de ses auditeurs à des horizons sonores dynamiques et innovants... Quelques jours avant cette décision, Yann Héligouin exprimait ses craintes : « Un groupe qui veut agrandir sa zone de diffusion, c’est pour avoir plus d’auditeurs et donc faire payer plus cher la publicité... ».

On peut imaginer qu’un message de soutien à Radio Sing Sing peut encore être utile, pour eux, pour nous...

Radio Sing Sing La secouette 35350 Saint Coulomb
tél (répondeur) : 02 23 52 09 51   email : message@sing-sing.org

Une pétition circule aussi, vous pouvez la signer ici

 

Bravo Martine, sacré souffle

Si quelqu’un méritait bien une reconnaissance, c’est elle ; toutes celles et tous ceux qui ont la chance de la connaître vous l’accorderont. Martine Durand-Gasselin, c’est d’elle qu’il s’agit, vient de se voir distinguée par le ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique. Déjà lauréate de la Fondation de France –en 1985- elle vient de se voir attribuer la Médaille d’Argent du Tourisme. Pour une fois, c’est à signaler, c’est même historique,  Le Malotru ne se gaussera pas d’un choix opéré par Emmanuel Macron ! En réalité,  la dernière coqueluche des médias et des milieux politico-financiers n’a fait qu’entériner une très bienvenue suggestion du  Comité Départemental du Tourisme qui connaît l’engagement de cette virtuose souffleuse de verre, établie Rue de Radegonde à Saint-Méloir des Ondes depuis 1988. Cet ancrage fut un choix décisif, courageux même à l'époque, devenu évidence aujourd’hui  pour tous les visiteurs venus parfois de très loin admirer ce que peut produire de mieux l’alliance de la passion et de la technique artisanale et artistique. Loin de l’image de l’artiste maudit-e et solitaire, Martine n’a eu de cesse de réunir des collègues et amis, de contribuer à fonder des collectifs, de défendre et illustrer l’excellence des « artisans créateurs ».

Au tourisme  de plus en plus dévoyé en déplacement moutonnier, elle préfère et promeut concrètement une forme de tourisme culturel qui ne cède rien aux facilités du «  gadget Made in China », trop souvent présent sur les étals du Mont Saint-Michel ou sur ceux de l’Intra-Muros de la cité malouine. Celle qui depuis 1996 est membre des « Artisans Créateurs », celle qui, en 2000, a cofondé l’Association des Equipements de Loisirs de la Côte d’Emeraude, celle qui, en 2003, a pris la présidence de l’association « les Arts du Feu », celle qui depuis 12 ans co-organise l’évènement « Solidor Métiers d’Art »,  sait aussi trouver les mots justes : « Défendre avec conviction la valorisation touristique, consciente de cet enjeu, à la fois économique, culturel, patrimonial ».

MartineLe Malotru est d’autant plus heureux de pouvoir s’associer à cet hommage que Martine n’est pas pour lui, et pour nombre de ses lecteurs, une totale inconnue. Assidue de longue date des réunions publiques d’associations citoyennes comme Attac, Martine sait faire entendre sa petite musique joyeuse et déterminée, têtue même lorsqu’elle sent la mauvaise foi ou la manipulation, notamment de la part d’individus ou d’institutions dont chacun croit pouvoir attendre fiabilité et soutien réel à l’intérêt commun. Toutes celles et tous ceux qui ont participé à la journée jersiaise du 12 septembre 2014 sur les paradis fiscaux et les atteintes aux Droits de l’Homme peuvent en témoigner.  Ce jour-là,  à Saint-Hélier, sous les fenêtres de la filiale locale de notre « chère » BNP-Paribas, elle n’hésita pas à brûler sa carte bleue sous les hourrah des participants parmi lesquelles se trouvaient Thomas Coutrot et Susan George, tous esbaudis de cette jubilatoire audace.  Cet acte hautement symbolique fut suivi d’un échange épistolaire assez croquignolet avec les « responsables » parisiens de la BNP-Paribas qui, malgré leurs acrobaties rhétoriques ne purent éteindre le feu d’indignation allumé ce jour-là par ses soins. Les Arts du Feu, on vous dit... Merci, Martine, et Bravo !

 

 

Globish (Suite) : La Grande Passerelle fait le « buzz »

A plusieurs reprises, Dans le rétroviseur a mis le doigt sur cette étrange et pernicieuse « soumission à la langue du Maître », ce « globish », mixte improbable  à base d’anglais qui s’accompagne de joyeuses justifications par la modernité, le « fun », etc.  Une précédente enquête sur La Grande Passerelle et son environnement linguistique intitulée Balade en Novlangue : le Nouveau Centre de Saint-Malo nous avait valu quelques messages nous encourageant à rester vigilants.

Cet article décrivait une déambulation urbaine que chacun peut accomplir. Certains se sont alors émus de découvrir un décor urbain dont ils n’avaient pas pris la mesure. Et deux articles suivirent avec des illustrations proposées par des lecteurs du Malotru.  Loin de toute nostalgie, Le Malotru soulignait alors qu’à l’heure où les négociations sur le Grand Marché Transatlantique se déroulent dans une opacité quasi-totale,  il serait vain de se croire protégés au nom d’une « exception culturelle », les enjeux linguistiques devenant aussi des pivots de résistance.

Il se passe indéniablement  quelque chose, rappelait l’article, autour de ce haut lieu culturel qu’est La Grande Passerelle, en référence à la multitude des noms de commerces qui l’entourent, rédigés en majorité dans ce « globish » que nous tentions alors de décrire. La Grande Passerelle elle-même semblait à l’abri de cette ridicule contagion. En conclusion, nous nous demandions, toutefois, si le ver n’était pas dans le fruit.

Notre inquiétude portait sur l’annonce de projets confiés à des associations ou pseudo-associations susceptibles d’utiliser, notamment, un espace préalablement dédié à des expositions devenu soudain -dans un discours de l’Adjoint à la Culture- « espace de co-working ». Au même moment,  par un étrange mimétisme, le magazine municipal, mais aussi Ouest-France et Le Pays Malouin adoptaient cette novlangue de la mondialisation heureuse par le marché et l’ordinateur... Job-Board, Open Space, Co-Working pour tous  CamBuzz, Mini startup day, Saint-Malo mini Maker Faire , Saint-Malo French Tech et tutti quanti. Il n’y a pas que les marchés financiers qui sont moutonniers...

Cambuzz

C’est à ce moment précis que CamBuzz apparut, dans un article de Ouest-France en date du 3 mars 2015. Six mois plus tard,le jour de gloire de cet « espace de co-working » annoncé par notre Adjoint à la Culture, est enfin arrivé. On imagine la grande joie de ses promoteurs. Ce mot-valise d’une finesse linguistique et sémantique qui n’aura échappé à personne est désormais visible, affiché ostensiblement, non plus sur les triviales enseignes d’échoppes à l’entour, mais sur les grandes verrières de notre prestigieuse « Maison de la Culture » elle-même, comme certains anciens se plaisent à l’appeler. Et, ma foi, bravo les « geeks », il ...fait vraiment  le buzz ! 

Une conseillère municipale (Opposition de Droite) s’en est émue au sein même d’une réunion du Conseil municipal il y a quelques jours, insistant sur l’aspect « très agressif » de cette signalétique locale. « Ce n’est pas du tout en accord avec l’architecture du lieu », a-t-elle ajouté. Chacun reconnaîtra qu’en matière de choix esthétique, ce collage de « post-it » (dixit les « concepteurs ») n’est pas tout à fait convaincant  Personne au sein du conseil, en revanche, n’a trouvé à redire sur cette chimère linguistique, cette assemblage grotesque, qui vend on ne sait quoi, de la came ?, de la camelote ?, et qui, en effet, fait causer, fait le buzz.

Une digue a sauté, penseront certains, avec ce glorieux succès local d’un sabir marchand qui n’émeut plus personne.... La sidération pour ce nouvel  écosystème mental et politique l’ a emporté. Il est à présent au cœur même de la cité. En réponse à la conseillère qui l’interrogeait, le plus haut magistrat de la ville a défendu, sans vergogne « le style de ceux qui sont là-dedans qui aiment faire bouger les lignes », reconnaissant «  un côté provocateur ». Mortel ! L.O. L Comme disent nos ados, pardon, nos teenagers......