ET SI LE F-HAINE...
- Le 22/04/2017
- Dans Démocratie
OU SES CLONES DE LA DROITE EXTREME NOUS GOUVERNAIENT…
Le texte qui suit (« Les loups… ») était rédigé en grande partie lorsque Le Malotru a été informé des attaques infâmes dont La Droguerie de Marine a été victime à la fin du mois de mars.
Le propriétaire de cette librairie de Saint-Servan (Saint-Malo), Loïc Josse, a reçu des menaces sérieuses après avoir consacré une de ses vitrines au rejet de l’idéologie d’extrême droite. Certains n’ont pas apprécié de voir des ouvrages de sociologues, d’essayistes, de romanciers même, indiquer clairement la nature du Front National ou relater les hauts faits de ses membres ou de ses proches.
« Nous avons reçu des menaces, des insultes, des injures, des dizaines de messages provenant de comptes Facebook plus ou moins existants, des « avis » infects sur notre page et sur notre compte Google, de l’intox à bloc » a déclaré Loïc Josse qui a souhaité mettre les choses au point sans tomber dans la « victimisation » si chère à ses propres agresseurs.
Tout semble parti, selon ses observations, d’«un article bidon d’un site contrôlé par des identitaires ». Cela indique le type de stratégie « virale » dont sont capables ces malfaisants haineux en Bretagne même. Cela indique aussi une entreprise délibérée d’intimidation politique et culturelle, ainsi que le degré potentiel de violence envisagé par celles et ceux qui se cachent derrière le visage souriant d’une affiche annonçant « la France apaisée ».
Pour Loïc Josse, « cela montre clairement ce qui arriverait demain si l’on laissait le F Haine prendre le pouvoir ». Sa détermination rejoint la nôtre : « Nous continuerons à défendre la liberté d’expression, la démocratie, les identités additives et non pas exclusives, ouvertes sur le monde. À faire notre travail de libraires. »
Léo Ferré chantait Aragon
"C'était un temps déraisonnable
On avait mis les morts à table
On prenait les loups pour des chiens."
Les loups sont entrés dans Paris… et en Bretagne aussi
« Que faisais-tu alors que montaient les populismes ? » Tel est le titre d’un billet très argumenté de Jean-Claude Dupas, ancien président de l’université Lille-III, sur son blog. Il conclut son interpellation en ayant recours à la pensée de Condorcet, « qui a beaucoup proposé en matière de réformes du système éducatif » : « Dès l’origine était proclamée l’idée qu’il ne pouvait y avoir d’implication populaire sans éducation populaire. » Idée naturellement partagée par Le Malotru, et, n’en doutons pas, ses lectrices et ses lecteurs.
- Pas question pour Le Malotru de donner des consignes -de vote ou autres-. Nos (é)lecteurs et (é)lectrices sont assez grands pour se déterminer, bien sûr, le jour venu, ou, s’ils le préfèrent, d’aller à la pêche… même si… Mais rester silencieux face à des faits et des propositions politiques qui affectent notre vie associative, ici comme ailleurs, pas question !
- Les villes et régions dirigées par des partis ou des groupes à tendance clairement autoritaire ces dernières années offrent, en effet, matière à interrogation sur la liberté d’action et d’intervention du monde associatif. Nous aurions pu évoquer bien des choses : les « soupes identitaires » et autres « apéritifs saucisson-pinard », clairement proposés par des groupes ou des élus au nom d’une pseudo-laïcité à sous-texte antimusulman, les réactions d’élus FN de la région à l’accueil de réfugiés du côté de Fougères ou de Cancale, ou encore la proposition de supprimer l’Aide Médicale d’État aux étrangers en situation irrégulière, enfants et adultes, les violences exercées au cœur de Pontivy il y a peu par des « Identitaires », etc. Nous avons dû limiter notre sujet à quelques exemples suffisamment significatifs. Les lecteurs complèteront eux-mêmes.
SSuivent quelques faits relevés parmi des centaines d’autres d’une gravité comparable, justifiant, nous semble-t-il, la même urgence démocratique au sein de nos associations. La pplupart sont, sans doute, déjà connus, mais leur rappel effectué en une compilation très succincte, nous a semblé, déjà, accablant.
La Bretagne, prémunie de tout risque ?
- Que serait la Bretagne sans ses associations ? On le sait trop peu, mais plus de de 40 000 associations se débattent pour animer une Bretagne dont la solidarité a depuis longtemps constitué l’A.D.N. Pas loin de 10% des emplois relèvent de l’associatif, soit 100 000 emplois qui ne peuvent être délocalisés, auxquels il convient d’ajouter 500 000 bénévoles. L’intérêt pour les associations ne décroît pas en Bretagne malgré les tendances lourdes qui s’y dessinent comme dans le reste du pays : consumérisme, repli sur la sphère privée, défiance croissante par rapport aux institutions, voire, sur fond de crise, défiance et abstention… Et c’est vrai qu’une inquiétude s’exprime parfois par rapport aux idées qui rejettent l’autre, notamment au sein du Mouvement Associatif de Bretagne qui tente de coordonner la plupart des associations de la Région.
- Le paradoxe est qu’à l’heure où leur rôle intégrateur est reconnu, les associations deviennent de plus en plus fréquemment une variable d’ajustement pour les budgets municipaux ou régionaux. Chacun pourra trouver des exemples autour de soi, y compris en région dinardo-malouine, qui confirment cette tendance. Avec, à chaque fois, des justifications de coût, de non-rentabilité comptable, parfois même, on le verra, de mauvais goût, ou de non-coïncidence avec « les aspirations de notre peuple »… Or, comme le souligne Yannick Hervé, Président de la Coordination du Mouvement Associatif de Bretagne, « l’engagement associatif est un outil de l’apprentissage de la découverte de l’autre, de l’intérêt général, d’un projet collectif ». Il souligne également que cet engagement constitue « une sensibilisation à d’autres formes de l’économie que l’économie marchande, comme l’économie sociale et solidaire ». Avec le Mouvement qu’il préside, il entend bien d’ailleurs interpeller l’ensemble des candidats du champ républicain, comme il le fit lors des Régionales de 2015 : « Le monde associatif pense aujourd’hui que la situation est suffisamment grave pour formuler sur ces sujets –évoqués ci-dessus- des propositions précises ».
NON la Bretagne n’est pas épargnée.
- Gilbert Collard, Député du Gard, s’est illustré récemment, parmi d’autres, dans ce mépris du-peuple réel. Il s’agit bien de l’homme qui, en 1990, dénonçait le « vocabulaire microbien » de Jean-Marie Le Pen, avant de retourner sa veste et de devenir l’avocat médiatique de la « préférence nationale ». Il s’en est pris, en début d’année, à une profession emblématique de notre région en citant les crêpiers et les crêpières pour fustiger les stages proposés aux chômeurs de notre pays comme "une supercherie" et une "escroquerie". Au micro d’Europe 1, il s’est cru malin en ironisant sur le fait qu'on proposait des stages de "crêpier et d'hypnotiseur" aux chômeurs. "On se rend compte que vraiment ce sont d'un côté de faux emplois qui sont créés et de l'autre des emplois d'État" assurait alors le secrétaire général du Rassemblement bleu Marine (RBM).
- Crêpier, faux emploi ? François de Pena, un élu en charge des crêperies au sein de l'Union des métiers et des industries hôtelières (UMIH) n’a pu s’empêcher de réagir, notamment dans Le Télégramme, en rappelant que "La crêperie en Bretagne, c'est plus de 1 800 établissements de restauration. Et plus de 5 000 en France » Il a aussi rappelé à l’honorable (?) parlementaire que « des milliers de personnes vivent dignement de ce métier tous les jours ". L’insondable ignorance de l'avocat marseillais s'avère d'autant plus malvenue que la crêperie représente, toujours selon F. de Pena un "réel gisement d'emplois". Mais que peut un tel communiqué, publié dans un journal régional, face aux rires gras qui accompagnent inévitablement ce genre de saillie grossière sur Europe 1 à une heure de grande écoute ?…
Des sites bretons identitaires influents jusque dans les manuels scolaires nationaux et dans… le rugby vannetais
- Bel ouvrage que cette édition 2016 du manuel Nathan d’Histoire-Géographie, se sont dit bon nombre d’enseignants en collège en le découvrant. Sauf que, préparant un cours de cinquième sur le thème de la croissance démographique, un enseignant du collège Paul-Duez, à Leforest (Pas-de-Calais) est tombé sur un drôle de lézard… breton. Dans un dossier « débat » sur la démographie à destination de nos chères têtes blondes (forcément blondes…), on trouve des extraits d’un entretien avec un essayiste américain aux thèses malthusiennes, Alan Weisman, publié… sur le site d’extrême-Droite Breizh-info.com.
- Se décrivant comme site de « réinformation » Breizh-info.com n’est rien d’autre que le navire-amiral des identitaires bretons. Sous la houlette de Yann Vallerie, ancien chef de file du mouvement Jeune Bretagne, qui appartenait au Bloc identitaire, Breizh-info.com se nourrit d’articles provenant de sources jouant toutes sur la peur du Grand Remplacement et autres sornettes angoissantes mêlant violence, immigration et islam. Un avatar local de Fdesouche, diraient les connaisseurs…
David Noël, conseiller municipal d’opposition (PCF) à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), ville dirigée par une autre vedette F-Haine, Steeve Briois, a fait part de sa stupéfaction sur son blog, le 9 novembre 2016. « Plus que le fond du discours, c’est la source qui interroge, écrit-il. Un élève curieux à qui viendrait l’idée d’aller sur Internet découvrir le site Breizh-info tomberait donc, entre deux publicités pour le dernier ouvrage d’Eric Zemmour ou celui de Philippe de Villiers, sur une interview de Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour tous, l’annonce d’une conférence de Renaud Camus sur le “grand remplacement” (…) ou encore celle de l’arrivée de 150 migrants de Calais à Fougères. »
L’éditeur Nathan a reconnu une erreur. Il se trouve cependant qu’une partie du document était extraite d’un entretien accordé au sulfureux Yann Vallerie lui-même par Alan Weisman. Les manuels en version numérique ont depuis fait l’objet d’une correction. Un rectificatif également sur Internet, et un avertissement destiné aux enseignants ont été diffusés par l’éditeur, tout contrit.
- Cela interroge cependant sur la capacité de nuisance de tels groupuscules abrités dans cette zone grise, voire franchement brune, que permet la Toile. Redoubler de vigilance, communiquer, partager les mises en garde, plus que jamais l’esprit critique s’impose comme une ardente obligation à l’heure des « fake news » et autres « faits alternatifs » érigés en Tweets présidentiels au centre de la démocratie états-unienne, mais aussi dans nos débats télévisés actuels.
Le site Breizh-Info.com a, incidemment, révélé encore son pouvoir pernicieux. A l’insu de la municipalité qui subventionne le sport vannetais à hauteur de 540 000 euros (année 2016-2017), le Rugby-club de Vannes a signé en juin dernier un partenariat avec le site identitaire qui se dissimule derrière son appellation de « média indépendant de réinformation ». Le Maire, David Robo, s’est ému de cet étrange contrat : « Le sport, c’est apolitique ! On ne peut afficher des valeurs d’exclusion. Ce qui ne ressemble pas, d’ailleurs, au Rugby-club de Vannes, qui a une politique sociale avec des interventions auprès des écoles, en prison…. Ce site, Breizh-info, ne promeut pas ces valeurs. »
On connaissait de longue date les dérives nationalistes et identitaires en Bretagne. Mais qui aurait pensé qu’en 2017 la vie associative, le sport même, deviendraient des champs de conquêtes idéologiques pour le F-Haine ou ses clones en Bretagne?
Dédiabolisation ? Les vielles haines rancies sont toujours là et transpirent dans le camp culturel
L’instrumentalisation de l’histoire, sa réécriture même, ainsi que l’usage très restrictif des « folklores » ou des traditions locales sont désormais une vieille habitude du F.N, notamment dans les municipalités du sud de la France. Changements de noms de rue et de places publiques ont souvent fait la une des médias ou ont parfois même encombré les tribunaux administratifs.
- Dès octobre 1997, par exemple, la mairie F.N de Vitrolles - version Mégret, il est vrai- faisait table rase du passé politique de la ville : La Place Mandela devenait Place de Provence, l’Avenue Jean-Marie Tjibaou était rebaptisée avenue Jean-Pierre Stirbois… Interrogée en juin 2013, sur ce précédent, Marine Le Pen, avait tenu à se distinguer de cette politique, mais d’une façon bien peu rassurante, en vérité, rappelant que dans son parti, "il y a des sensibilités différentes".
- La même année 1997, la Directrice de la salle municipale, salle classée Art et Essai, était licenciée pour avoir projeté un film pourtant déjà diffusé à la télévision sur « l’homosexualité au temps du Sida ». Elle était illico remplacée par un projectionniste qui avait auparavant travaillé à Marseille à l’Étoile, où étaient projetés des films… classés X. C'était la première fois dans l'histoire du mouvement Art et Essai (créé en 1955) qu'une telle décision était prise pour entrave à la liberté de programmation. Le cinéma associatif a peut-être des soucis à se faire, non ?
- On peut s’étonner aussi qu’un certain M. Ménard, responsable de Reporters Sans Frontières pendant des années, se retrouve aujourd’hui à l’aise aux côtés de figures éminentes d’une censure qu’on croyait d’un autre âge. Là encore, certains n’auront pas oublié les hauts faits de la mairie de Marignane, autre « laboratoire » de la gestion municipale F.N dès les années 90. En septembre 1996, le Premier Adjoint en personne établissait une liste des journaux destinés à remplacer, entre autres, Libération, mais aussi La Marseillaise le très sulfureux quotidien régional communiste. Figuraient, naturellement, sur cette liste politiquement correcte Présent, Rivarol, et National Hebdo… Cette violation évidente du pluralisme fut évidemment condamnée par le Tribunal Administratif de Marseille, mais le simple fait que de telles tentatives aient pu se produire en dit long sur la vision « culturelle » de telles élites lepénistes disposées à conquérir chaque niveau de la République. Imaginez-les parcourant aujourd’hui les rayons des 7100 bibliothèques publiques de France, dont la Médiathèque malouine La Grande Passerelle, ou prenant en charge la programmation des Vauban 1 et 2…
- Les réactions violentes de nombreux Frontistes à la sortie récente du film de Lucas Belvaux Chez Nous -alors que la plupart avouaient qu’ils n’avaient pas encore vu le film- sont lourdes de menaces de la part de celles et ceux qui défendent la candidate de « La France Apaisée ».
OPA frontiste sur les traditions dites régionales
Au F.N on fait aussi dans le communautaire, et on ratisse large en Bretagne également. Rien de nouveau sous le soleil des traditionalistes cathos, historiquement proches du F.N ; mais les monarchistes d’extrême-droite bretons sont aussi parfois de la fête. Là encore, d’étranges coalitions se sont construites de longue date.
- Dès la fin des années 90, les « légitimistes », avec drapeaux français marqués du cœur chouan, chers au vicomte de Villiers et à son infidèle Retailleau, prenaient place en forêt de Paimpont à côté des stands du Front National de la Jeunesse ou de l’improbable « Association des Randonneurs Bretons » (proches du F.N) lors de mémorables Fêtes de la Tradition. Des jeunes gens y venaient notamment écouter –religieusement, littéralement et dans tous les sens- Xavier Dor, militant anti-avortement, multirécidiviste d’actions violentes à l’encontre de cliniques pratiquant l’I.V.G. Son obsession ? Les Droits de l’Homme, rien de moins, responsables, selon lui, de « la tragédie du dépeuplement ».
L’expression « Grand Remplacement » n’était pas encore advenue, mais l’esprit soufflait déjà très fort sur Brocéliande. Le Légendaire du Roi Arthur était mis à contribution pour célébrer le « Tan Mad, les feux de la Saint-Jean »… Cela pouvait faire sourire il y a vingt ans du côté de Paimpont, mais aujourd’hui, même en Bretagne, que Gilles Pennelle, président du groupe F.N à la Région, appelle « Terre de Mission », sa puissance progresse dans les têtes et dans les urnes. Etonnante « modernité » d’un parti prêt à affronter l’avenir en enrôlant dans ses rangs le Roi Arthur et La Puçelle. Qui pourrait lui résister ?
- On pourrait penser que la relance des « traditions régionales », chère aux idéologues du Front et pratiquée avec un volontarisme affiché dans les arbitrages des subventions municipales aux associations, se ferait sans exclusive. Après tout, « Folklores du Monde », formidable festival populaire au meilleur sens du terme, réussit depuis des années à Saint-Malo cette ouverture aux traditions musicales et chorégraphiques les plus variées, venues de Macédoine, de Turquie, ou de Pologne, sans que les groupes bretons, locaux ou régionaux, ne souffrent de cette coexistence, bien au contraire. Mais qu’adviendrait-il de cet insupportable métissage, si nos rigoureux frontistes menaient la danse ici comme ils le font déjà, par exemple, à Cogolin (Var) ou à Hayange (Moselle) ?
- Pas toujours facile de pratiquer la danse orientale à Hayange : on dira bien que les obstacles à la location de salle, les problèmes d’horaire etc. expliquent ces difficultés. À Cogolin, les explications sont d’une éblouissante simplicité : « On est en Provence, pas en Orient. S’ils veulent vivre comme en Orient, les frontières sont ouvertes », déclarait sans vergogne Marc-Etienne Lansade, le Maire F.N, en septembre 2014, alors qu’il interdisait un spectacle de danse orientale dans sa bonne ville.
Le même Lansade, assura plus tard que sa décision devait se comprendre dans le contexte d’une fête provençale très particulière, « La Fête du Coq, qui devait faire la part belle à Cogolin et à ses racines ». Ah, les racines ! Surtout pas de mélanges, la permaculture et la biodiversité culturelle, à d’autres ! Et d’ajouter : « Je n’aurais pas davantage laissé programmer de spectacle de danse bretonne, basque ou norvégienne »…Les amateurs de danse bretonne, ici et ailleurs, sont prévenus.
- Breih Atao, décrit par Ouest-France comme « site nationaliste breton » a fait l’objet d’informations judiciaires et de condamnations pour messages antisémites, menaces de mort, diffamation ou provocation à la haine raciale ces dernières années. Son fondateur, Boris Le Lay, ne semble guère s’en soucier et continue de narguer le Tribunal de Quimper depuis son « exil » japonais, semble-t-il, où il exercerait le métier de… crêpier (voir ci-dessus !). Son site serait hébergé à Houston, au Texas, hors d’atteinte du bras de la Justice…
Parmi ses victimes, on trouve un artiste quimpérois, des élus bretons dont Mme Marie Gueye, la première femme noire à entrer au Conseil Général du Finistère. On trouve aussi un éminent ambassadeur de la culture musicale bretonne, le sonneur bigouden Yannick Martin du Bagad Kemper, multi-champion de Bretagne, pris à partie pour… la couleur de sa peau. A quand des tests génétiques pour jouer de la bombarde et du biniou ? On imagine les réactions de nos amis du Bagad local et du Cercle Quic-en-Grogne face à de telles ignominies identitaires »…
Dédiabolisation ? Plutôt, des révisionnistes toujours à l’œuvre
Le 17 octobre 2002 l’hebdo du FN faisait part du lancement du « Club de réflexion générations Le PEN ». Le pluriel est à relever. Objectif : « Casser l’image diabolisée du FN »
- En rallumant le dimanche 9 avril 2017 la polémique sur la Rafle du Vel d’Hiv’, que cherchait Marine le Pen ? Nul ne le sait, semble-t-il ? Elle-même d’ailleurs le savait-elle ? Dé-diaboliser, apaiser etc. voilà de beaux slogans pour tromper le chaland et les médias complaisants. Mais une sombre continuité plus pressante que les individualités semblent hanter non seulement le clan mais aussi une bonne part des suiveurs. Chez ces gens-là, il arrive parfois que des strates trop longtemps refoulées soulèvent -avec une force éruptive incontrôlable et largement inconsciente- les sur-moi et les trop légers tabous des temps présents : le vieux fond maurrassien ressurgit alors, le fantôme de Pétain aussi, et la revanche de 36, le poujadisme, l’O.A.S., Degrelle et ses amis du G.U.D. et d’Occident, …
- Bref, ça parle, comme disait celui qui avait déjà perçu un certain Malaise dans la Culture…. Où l’on voit que le nouveau couvercle pseudo-gaulliste à la mode Philippot a bien du mal à recouvrir et à étouffer le vieux ragoût nationaliste. Il fut le foyer naturel de ceux qui complotèrent pour tuer le général aujourd’hui cyniquement promu au panthéon frontiste. Certains de nos contemporains ont la mémoire courte. Beaucoup répugnent cependant à l’idée de voir les rênes de notre pays confiées à celle qui, il y a peu, dansait au bal annuel des néo-nazis autrichiens. Pour mémoire, rappelons que la candidate aux fonctions suprêmes, suivait ainsi, en janvier 2012, l’exemple de son père qui en fut l’invité d’honneur en 2008.
- Serge et Arno Klarsfeld, dans une tribune du Monde (12 avril 2017) ne s’étonnent guère de ces continuités idéologiques mal dissimulées : « En exprimant sa pensée profonde à propos de la Rafle du Vel’d’hiv, Marine Le Pen a mis en évidence le cordon ombilical qui la relie encore indissolublement à son père : tous deux refusent l’implication de la France dans l’arrestation par la police française de 13000 juifs dont 4000 enfants ». Mais ce que révèle l’apparent scandale autour de la Rafle du Vel d’Hiv s’est déjà entendu à bas bruit dans de nombreuses situations où l’obsession du « roman national », en particulier, transparaît dans des choix politiques singuliers à l’échelle des communes, des départements, des régions. Toujours et encore, ce « passé qui ne passe pas »… Par exemple, à propos de la présence et du vote d’élus F.N. dans les Conseils d’Administration des collèges et des lycées de France… Ou du choix de noms à attribuer à une école.
- En juin 2016, le conseil de Pleugueuneuc a décidé d’appeler « Les Jours Heureux » son école communale. Beaucoup seront ravis d’apprendre qu’on a souhaité aujourd’hui encore rendre hommage dans notre région au programme du Conseil National de la Résistance et à celles et ceux qui l’inspirèrent pendant les jours sombres de l’occupation nazie. Le Maire a ainsi expliqué ce choix : « Suite aux évènements de 2015 où notre République et notre laïcité ont été mises à mal, nous voulions retrouver un nom qui exprime l’espoir ».
- Il n’est pas certain, cependant, qu’un tel choix fasse l’unanimité. On sait que le MEDEF, et son porte-parole Denis Kessler, appelaient dans la Revue Challenges en 2007 à « défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ». Mais de troublants précédents semblent indiquer que le F.N, également, pourrait marquer son hostilité à un tel choix, voire s’y opposer si ses élus étaient en position de décideurs ici même.
- Quand, en 2007, un vœu fut déposé au Conseil régional de Bourgogne pour demander que le nom de Lucie AUBRAC soit donné à un lycée de la région, le Groupe FN a voté contre après que son porte-parole ait déclaré : « Quand vous saurez qui elle était vraiment, vous rigolerez moins, bande de crétins ». Interrogé pour savoir s’il cautionnait le vote des conseillers régionaux FN, et le propos tenu sur Lucie Aubrac, le Directeur de la communication au sein des instances nationales du FN se refusa à tout commentaire. Alain Vizier, « Titulaire de la flamme d’argent du FN » est toujours membre du Bureau politique. Il serait intéressant de savoir ce qu’en pensent les candidats frontistes de notre région qui pourraient avoir un jour à se prononcer sur de telles décisions. Le secrétaire départemental du FN, Gilles Pennelle, ne vient-il pas d’annoncer qu’il y aurait une liste frontiste aux élections municipales de 2020 à Saint-Malo?
Pour conclure, provisoirement ?
- L’Histoire ne repasse pas les plats, mais il lui arrive de « bégayer ». Et cette fois la comédie peut avoir de très regrettables conséquences pour notre pays, mais aussi pour la vie quotidienne de nos contemporains ici même dans ce qui leur paraît aujourd’hui acquis et « naturel ». Les réalités que nous avons décrites n’ont rien de fictif ou d’impossible désormais dans nos communautés les plus proches de nous. Ce qui est également inquiétant, c’est que ces idées, ces discours et ces pratiques, associés à des extrémismes bien identifiés, sont aussi désormais puissamment inscrits au cœur de programmes politiques plus « modérés » et portés par des figures qui paraissaient et paraissent encore à beaucoup comme rassurantes. On connaît les dommages infligés à notre histoire, et à celle du monde, par les années Sarkozy et la ligne Buisson, notamment
- . On se rappellera aussi qu’en août 2016, François Fillon avait pris l’engagement, s’il était élu Président, de réécrire les programmes d’histoire avec l’idée de les concevoir comme « un récit national ». Jean-Noël Jeanneney, l’historien qui anime chaque samedi « Concordance des Temps » sur France-Culture, avait alors simplement observé : « De tels propos s’appuient généralement sur une nostalgie de la France de la IIIème République, celle d’avant 1914 ».
- On ajoutera que l’invitation faite par Emmanuel Laurentin, qui présente « La Fabrique de l’Histoire » sur France-Culture, faite aux candidats d’exprimer leur vision de l’Histoire, s’est vu opposer un refus non motivé par Marine Le Pen, ce qui a rendu le projet caduc au nom du principe d’équité cher au C.S.A. La candidate a-t-elle craint le ridicule, ou, plus simplement, a-t-elle craint de manquer d’arguments sérieux pour étayer ses vues pendant une cinquantaine de minutes ? Peut-être aussi considère-t-elle que les auditeurs de France-Culture appartiennent, par nature, aux « élites mondialistes et non patriotes », négligeables, donc, par rapport à l’audimat de TF1 ou aux lecteurs de Valeurs Actuelles…
- Jean Lebrun, un « ancien » de France-Culture, très attaché à notre région qui est aussi la sienne, officie chaque jour depuis 2011 sur France-Inter dans « La Marche de l’Histoire ». Il y défend une vision dynamique de l’Histoire, « une thérapie plus qu’une exacerbation des passions tristes », sans, pour autant, y promouvoir une médication de réconfort. On sent une certaine intranquilité poindre récemment chez cet observateur fin et expérimenté. Nous lui laisserons le dernier mot :
« On vit peut-être une fin de la démocratie représentative. On voit des personnages monstrueux sortir des urnes. C’est une séquence inouïe qu’aucun historien d’expérience n’a jamais vécue jusqu’ici »… Monstrueux, mot rare dans la bouche de cet homme pour définir un moment, en effet, peut-être inouï de notre histoire.