CETA n'y pas croire ! La suite

Nous avons récemment publié une réaction à l'article d'Ouest France vantant les mérites du CETA pour l'Ille et Vilaine. A coté de cet article polémique, voici un texte plus précisément argumenté, envoyé comme réponse au journal et dont nous ne savons pas pour l'heure s'il sera publié.

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Le 20 septembre dernier Ouest France a publié un article intitulé : « Le Canada, nouvel Eldorado pour l’Ille et Vilaine ? » qui mettait en exergue les bénéfices attendus de la mise en œuvre provisoire du CETA, le traité de libre-échange avec le Canada, en particulier pour l’économie bretonne. Dans sa conclusion, l’article citait Attac comme l’un des opposants au traité, sans toutefois développer les arguments et les analyses justifiant la position de notre association. Les comités locaux de Bretagne ont souhaité exercer leur droit de réponse dans le cadre d’un débat démocratique équilibré.

Attac conteste à la fois le manque de rigueur, les arguments spécieux et l’absence de référence de cet article aux enjeux de fond du CETA, et qu’il présente d’emblée comme un bilan économique de la première année d’application du traité …

Ce qu’il n’est pas !

Il renvoie seulement à une version provisoire et partielle du CETA, entré en vigueur en septembre 2017, et, sans le très contesté volet sur les tribunaux d’arbitrage, on ne peut parler du véritable bilan des effets économiques de ce qui n’est au plus qu’un simple traité commercial.

La vision est en effet purement commerciale, et limitée à quelques marchés. L’approche à très court terme est celle de producteurs qui veulent élargir leurs débouchés en exportant, sans tenir compte des effets induits. Le territoire concerné (l’Ille et Vilaine) est trop limité pour en tirer un enseignement. Le calcul des données régionales est fragile car les sources douanières sont devenues obsolètes depuis le traité de Maastricht qui a supprimé les frontières internes en Europe.

La nature des échanges est également très étroite. L’article mentionne des produits importants pour l’agriculture bretonne. Mais au niveau global ce sont les soldes qui comptent. La Balance Commerciale ne retrace qu’une partie des échanges, celle des biens, alors que les services représentent aujourd’hui 80 % du PIB. Enfin, les chiffres cités sont discutables car provenant de sources étrangères très limitées ou très fragiles.

Dans cette approche mercantiliste simpliste, on ne peut effectivement que constater un gain immédiat de valeur grâce à une brutale modification tarifaire, et non une transformation à long terme des structures économiques. Seuls les grands groupes sont en mesure de supporter la concurrence, ce qui peut entraîner à terme une disparition des petites et moyennes exploitations et une baisse de la qualité des produits. Un gain rapide à court terme pour quelques gros gagnants est un acte prédateur vieux comme le monde, mais pas un progrès partagé.

 

Ce que cet article ne dit pas !

L’article ne dit rien des conditions d’application du CETA, alors que les enjeux écologiques, sociétaux et démocratiques sont déterminants, et concernent également le monde économique.

Sur le strict plan économique, la suppression de 93 % des droits de douane sur les denrées agricoles va mettre en concurrence l’agriculture bretonne avec des fermes usines qui exporteront vers l’UE, à des coûts bien inférieurs, 65.000 tonnes de bœuf et 80.000 tonnes de porc. Comme de plus le Canada ne reconnaît pas le principe de précaution, et autorise les OGM dans l’alimentation humaine et l’emploi d’antibiotiques pour les élevages, la concurrence par les coûts se double de risques sanitaires élevés.

La protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, problématiques bien présentes en Bretagne, ne sont à aucun moment évoquées. Ce traité ne prend aucunement en compte les conclusions de la COP21 (voir le rapport de la commission gouvernement d’évaluation), et exclut de fait toute possibilité d’inscrire un prétendu « veto climatique ». Par ailleurs, le CETA libéralise le commerce des exportations de pétroles hautement polluants, dont le pétrole bitumineux canadien.

Sur le plan constitutionnel, l’article laisse entendre que l’application définitive du traité est acquise, alors qu’elle suppose un vote à l’unanimité des 27 parlements nationaux des pays de l’Union Européenne. Selon toute vraisemblance, le vote du Parlement français n’interviendra que fin 2019.

Sur le plan démocratique, le traité met un terme à l’indépendance des parlements nationaux et régionaux en instituant un Forum de Coopération Réglementaire euro-canadien qui serait chargé de contrôler les projets de lois et de réglementations. Ce sont désormais les multinationales et leurs lobbies qui seront prépondérants au détriment des citoyens et des entreprises modestes.

En termes de Droit, les tribunaux arbitraux privés dénommés ICS seront donc chargés de veiller à la protection des investissements privés face aux Etats, consacrant ainsi la prééminence du droit privé sur le droit public en  n’autorisant que les plaintes des investisseurs (les grandes firmes transnationales dans les faits) contre les États, et pas l’inverse. Plusieurs gouvernements ont déjà eu à subir les arrêts de ces cours arbitrales sous forme d’amendes dissuasives, à l’image de l’Équateur condamné récemment à payer une compensation à la société transnationale Chevron et à sa filiale Texaco en dédommagement du jugement émis en 2011 par la justice équatorienne qui la condamnait pour des crimes contre les droits de l’Homme et la nature causés par les opérations de Texaco pendant plus de 20 ans en Amazonie…

 

L’association Attac invite chacun.e à se déterminer sur cette question en toute connaissance. Elle est plus que jamais déterminée à se mobiliser pour faire échec au CETA au niveau international, national et régional, pour renforcer notre démocratie face aux attaques de la finance et des multinationales, et garantir le maintien de notre modèle social.