Eléments d'actualité fiscale - Août, Septembre 2024
- Le 24/10/2024
- Dans Economie / Finance
Un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir certaines informations que vous avez peut-être ratées :
Agréement d'Anticor, les impôts d'Apple en Irlande, recul de la transparence financière, Prospera une ville privée libertarienne, extrême droite et paradis fiscaux, Rachida Dati décore Naomi Campbell.
- FRANCE. Anticor retrouve son agrément anticorruption après un an de lutte et de multiples recours devant la justice…
Juste avant de quitter Matignon, enfin, Attal a fini par se soumettre à une dernière injonction judiciaire. La veille, le juge des référés du tribunal administratif de Paris avait laissé vingt-quatre heures au chef du gouvernement pour réexaminer la demande d’agrément d’Anticor, avec la menace de se voir infliger une astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Ce qui, deux jours avant, semblait impossible sous prétexte que la décision devait revenir au nouveau gouvernement s'est finalement réalisé. L’association (7000 adhérents) peut, à nouveau, se constituer partie civile, notamment en cas d’inaction du parquet, dans les affaires d’atteinte à la probité.
Incidemment, on peut se demander si Attal, « frustré » - comme il l'a dit - de n'avoir pu continuer son œuvre à Matignon pour cause de dissolution (dont il a été informé à peine une heure avant !) a peut-être lâché une bombe à retardement à l'intention de Macron et de son éminence grise, Alexis Kohler. Ce dernier, qui aurait inspiré la nomination de Barnier à Matignon, est impliqué dans l'« Affaire M.S.C » qui risque de faire des vagues un jour prochain…
Sans parler de procédures judiciaires touchant des membres de l’ex- « Majorité » initiées par Anticor: contre Élisabeth Borne (affaire de la tour Triangle), Éric Dupond-Moretti (affaire de la vendetta contre des magistrats), Amélie Oudéa-Castéra (affaire des placements financiers du groupement d’intérêt public à la Société Générale), Alexandre Benalla (affaire des contrats russes) ou encore Richard Ferrand (affaire des Mutuelles de Bretagne).
► L’association Anticor retrouve son agrément anticorruption. Publié par Anticor, le 05/09/2024.
► Lutte contre la corruption : Anticor a récupéré son agrément lui permettant d’agir en justice. Publié par Médiapart, le 05/09/2024.
- U.E. Victoire confirmée de l’UE sur l’optimisation fiscale des multinationales : Apple doit bien rembourser 13 milliards d’euros d’impôts à l’Irlande
C’est un feuilleton judiciaire de huit ans qui se clôt. Margrethe Vestager, la commissaire à la concurrence , la « tax lady », comme l’appelait avec dédain l’ancien président américain Donald Trump, peut enfin crier victoire.
L’affaire Apple, la plus emblématique de toutes ses batailles par les montants concernés – 13 milliards d’euros –, était loin d’être gagnée. On se rappelle qu’en 2020, le tribunal de l’Union européenne (UE), saisi par Apple - et l’Irlande - avait, en première instance, cassé la décision de 2016 de la Commission. Mais en novembre 2023, l’avocat général de la Cour de justice de l’UE, auprès de laquelle la Commission avait fait appel, a considéré qu’en 2020 le tribunal avait « commis plusieurs erreurs de droit ». L’affaire Apple devait donc être rejugée sur le fond.
L’arrêt final de la Cour est clair et définitif : L’Irlande a « accordé à Apple une aide illégale que cet État est tenu de récupérer ». Apple doit rembourser 13 milliards d’euros à Dublin au titre d’avantages fiscaux indus accordés entre 2003 et 2014, assimilables à une aide d’État illégale, donc « faussant » la fameuse libre-concurrence, concept pivot de l’U.E libérale…
Au sens strict, ce n’est pas Apple qui est ici sanctionné mais bien l’Irlande pour avoir méconnu, dans les rulings, les règles qui régissent les relations fiscales normalement applicables entre sociétés liées. Pour rappel, pendant cette période, Apple rapatriait à Dublin l’ensemble de ses bénéfices européens, africains, moyen-orientaux et indiens, soumis à un taux d’imposition effectif « allant de 1 % en 2003 à 0,005 % en 2014 ».
« Les pratiques de planification fiscale agressives n’ont pas disparu », assure cependant Mme Verstager. À preuve ce rapport de la Commission qui fait le constat suivant :
« En 2022, les bénéfices mondiaux des multinationales s’élevaient à environ 16 000 milliards de dollars américains. Et 2 800 milliards de dollars de ces bénéfices ont été réalisés en dehors de leur siège social. Environ la moitié de cette somme a été transférée vers des pays à faible fiscalité, y compris des pays de l’UE. Le coût est élevé pour les citoyens européens. »Avant de quitter ses fonctions à la suite des dernières élections européennes, la Danoise, reconnaissant qu’il existait encore de nombreux cas d’aides d’État illégales sous forme d’avantages fiscaux indus, a déclaré qu’il appartiendra « à la prochaine Commission de les traiter »...
► Décision Apple : une étape supplémentaire vers l’harmonisation fiscale. Publié par Le Monde du Droit, le 15/10/2024.
► Apple doit rembourser 13 milliards d'euros d'impots à l'Irlande, ou la victoire de l'UE sur l'optimisation fiscale des grands groupes. Publié par Le Monde, le 10/09/2024. (Pour abonnés)
- FRANCE et U.E . Un un grave recul dans la transparence financière
Depuis le 31 juillet, l’identité des bénéficiaires effectifs de sociétés françaises n’est plus accessible au public. La conséquence d’une jurisprudence européenne. Cela faisait trois ans seulement que l’on commençait à accéder à ces informations permettant de révéler des acquisitions immobilières douteuses ou des montages fiscaux suspects. Dans un précédent article, nous avions indiqué comment cette décision faisait suite à une mise en demeure de la C.N.I.L.( Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), saisie par un avocat suisso-britannique.
Alors que certains statuts d’entreprises ou des montages de sociétés écrans empêchaient de savoir qui possédait quoi, l’accès au registre des bénéficiaires effectifs (RBE) des cinq millions de sociétés immatriculées en France avait été imposé en Europe par une directive européenne du 30 mai 2018. Cette Directive marquait la victoire d’une large coalition d’O.N.G. et d’associations comme Attac, Oxfam etc. ainsi que du mouvement initié par des juges européens comme Renaud van Ruymbeke, Bernard Bertossa, Baltasar Garzon, etc., à l’origine de l’Appel de Genève en… 1996.
Au sein de l’Union européenne il était désormais impératif de révéler l’identité du détenteur d’au moins 25 % du capital d’une entreprise ou de la personne qui en assure le contrôle.
À partir des données des Chambres de Commerce, en particulier, des sites comme Pappers (7 millions d’utilisateurs par mois), Infonet ou Societe.com permettaient l’accès à ces informations pour un public non nécessairement spécialiste. Cela a permis, par exemple, à l'enquête OpenLux conduite par un consortium de journaux européens, dont Le Monde, de révéler que 15 000 Français ou entreprises tricolores étaient en fait liées à 17 376 « sociétés » via des « filiales » établies au Luxembourg. Parmi eux, 37 des 50 familles les plus riches de France. Les avoirs de ces filiales domiciliées au Grand-Duché (concernant L’Oréal, Lactalis, Yves Rocher, Hermès, JCDecaux, etc.) représentaient 6 500 milliards d’euros…
MAIS le 22 novembre 2022, la cour de justice de l’Union européenne (CJUE), saisie par deux entreprises, a estimé que l’accès non limité du grand public aux registres des bénéficiaires effectifs « portait une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles de ces bénéficiaires », en précisant cependant que ces informations doivent rester accessibles aux acteurs publics et privés (banques, avocats, grandes entreprises, etc.) puisque ces derniers sont tenus de signaler les flux financiers douteux. Dernière concession, la presse, les ONG anticorruption et les chercheurs académiques ont un « intérêt légitime » à accéder à ces informations.
Ainsi, depuis le 31 juillet 2024 l’accès au registre est, de fait, réservé aux organisations qui font l’objet d’une habilitation de l’INPI (L’Institut National de la Propriété Industrielle) accordée pour trois ans renouvelables. Les lanceurs d’alerte isolés, les syndicalistes, les particuliers intéressés par la vie économique de leur région, par exemple, en sont pour leur frais. L’INPI assure que des demandes ciblées pourront être accordées au cas par cas, notamment pour les chercheurs, mais non l’accès au registre dans son ensemble. Selon Inès Bernard, directrice générale adjointe d’Anticor, « les critères de l’Inpi pour accorder une habilitation ne sont pas connus ». Elle ajoute que l’anonymat des demandes « ne sera pas garanti » et dénonce « un recul grave dans la lutte contre la corruption et les prises illégales d’intérêt ».
Avec le « secret des affaires », cette décision est un degré de plus dans l’opacité des affaires, à rebours du mouvement de ces dernières années. Un pas en avant, un pas en arrière...
► La fin de l'accès public au registre des bénéficiaires effectifs marque un recul de la transparence financière. Plublié par Le Monde, le 29/07/2024. (Pour abonnés)
► Un pas en arrière dans la transparence financière en France. Publié par Ouest-France, le 07/08/2024.
► Nouvelles conditions d'accès au Registre des bénéficiaires effectifs au 31 juillet !. Publié sur Entreprendre.Service-Public.fr, le 25/07/2024.
► Tsonga, Shakira, et 17 376 « sociétés » françaises au Luxembourg, paradis fiscal européen. Publié par Ouest-France, le 11/02/2024.
- HONDURAS. Prospera la ville idéale, rêve du transhumanisme et laboratoire libertarien
On connaissait les « gated communities », ces quartiers privés, clos et sécurisés, nord-américains concrétisant l’entre-soi des plus riches, avec leurs déclinaisons diverses selon les desiderata de leurs habitants-actionnaires comme les sun cities dédiées exclusivement aux plus de 55 ans, mais là on entre dans un autre monde, une autre ère, celle des enclaves libertariennes concrétisant l’utopie des partisans de l’abolition de l’état qui sont également porteurs des espérances -ou des délires- des « transhumanistes »…
« Bienvenue à Vitalia. La ville où la mort sera optionnelle. » Prévue pour 10 000 habitants, établie sur l’île de Roatan, au Honduras, dans la mer des Caraïbes, le projet divise.
Dans un long article paru le 18 août, les deux journalistes du Monde narrent leur rencontre avec des conférenciers qui leur expliquent avec conviction comment s’efforcer de rallonger l’existence en se faisant, par exemple, injecter de la follistatine pour participer à un essai de thérapie génique sur la longévité. Le lieu concentre déjà « des dizaines de transhumanistes, scientifiques, ingénieurs et millionnaires qui déclarent aimer la vie et ne pas vouloir qu’elle prenne fin ». Tous ces « biohackeurs » enthousiastes se réjouissent de n’être pas limités par les règles déontologiques et juridiques qui encadrent les essais cliniques dans le reste du monde.
Présenté comme un projet hondurien, il s’agit, en fait, d’un investissement massif de l’entreprise Honduras Prospera Inc., émanation de NeWay Capital LLC, organisation financière enregistrée dans l’État américain du Delaware, paradis fiscal bien connu. Les fondateurs sont Erick Brimen, un Vénézuélien, et le Guatémaltèque Gabriel Delgado Ayau. Les comptes de Honduras Prospera Inc., sont enregistrées et conservées par la société Trident Trust Company LTD, basée aux îles Caïmans, autre paradis fiscal particulièrement opaque.
Les recherches effectuées par Le Monde démontrent que 100 millions de dollars ont été levés, répartis entre une trentaine d’investisseurs : « Parmi eux, des libertariens, anarcho-capitalistes ou ultralibéraux d’extrême droite. Notamment, la société Pronomos de Patri Friedman, petit-fils de l’économiste ultralibéral Milton Friedman, l’un des fondateurs de l’école de Chicago et inspirateur des dictatures chilienne ou argentine dans les années 1970 ». L’article cite aussi l’Allemand Peter Thiel, cofondateur, avec Elon Musk, du site de paiement en ligne Paypal, milliardaire qui « veut vaincre la mort ». Au Royaume des transhumanistes…
Derrière ces figures de proue, on trouve surtout des libertariens en lien avec le réseau Atlas Network, financé en partie par le milliardaire américain Charles Koch, l’industrie du tabac ou celle du pétrole. On sait qu’Atlas Network regroupe des fondations, des think-tanks favorisant les politiques de libre marché et la « subsidiarité de l’État ». Le Monde parle d’une « sorte d’internationale capitaliste, qui agrège 589 organisations dans 103 pays. ».
« Ce type de villes privées peut-il vraiment apporter emploi et richesse ? » Pour Ismael Moreno, prêtre jésuite, défenseur des droits humains, cité dans l’article du Monde, elles constituent « l’expression extrême de ce qu’il y a cent vingt ans ont été les enclaves bananières, qui promettaient travail et prospérité mais n’ont favorisé que les élites. Le peuple ne reçoit que des miettes… ». Il est vrai que les rares taxes versées par les entreprises qui s’y sont établies vont dans les caisses de… Honduras Prospera Inc., ces entreprises ne payant pas d’impôts locaux. Le gouvernement actuel a fini par montrer les dents et exprimé sa détermination à mettre un terme à cette mascarade. Mais laissons la conclusion aux deux journalistes du Monde :
« Face à l’hostilité du gouvernement de Xiomara Castro, Prospera a contre-attaqué : le 3 février 2023, la société a déposé plainte contre le Honduras devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), un organe dépendant de la Banque mondiale. Elle réclame 10,7 milliards de dollars d’indemnisations. Soit l’équivalent… du tiers du PIB du pays ».
Cette menace sur tout un peuple met en évidence des pratiques financières et sociétales liées aux pires possibilités offertes par le capitalisme mondialisé actuel et les accords dits de "libre-échange". Totalement dissymétriques, ils conduisent des libertariens et transhumanistes déments à mettre un pistolet sur la tempe de dirigeants de pays pauvres (menés précédemment par des leaders politiques corrompus signataires de ces accords).
Les mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États (type ISDS, CIRDI) sont un scandale sans nom au profit principalement des investisseurs, comme les trop fameux "fonds vautours". Ces derniers parviennent parfois à obtenir des sommes colossales en agitant la simple menace de recourir à ces « tribunaux ».
Et tous agissent, bien sûr, à partir de paradis fiscaux en toute impunité.
► Prospera, une étrange enclave libertarienne totalement privée au Honduras. Publié par Le Monde, le 16/06/2024.
► Próspera. Publié sur Wikipedia. (en anglais)
► Start-up. Próspera, la cryptocité autonome qui pourrait ruiner le Honduras. Publié par Courrier international, le 05/10/2024.
- FRANCE. GB Extrême-Droite «patriote» et fric venu d’ailleurs. Du bon usage des paradis fiscaux…
Le R.N., comme la plupart des partis d’extrême-Droite européens, aime jouer la carte du « tous pourris », désignant ainsi leurs adversaires politiques et se présentant, par opposition, comme le parti-aux-mains-pures. Marine le Pen, comme son père, et le parti lui-même traînent pourtant quelques casseroles, trop rarement évoquées dans les médias. D’où l’intérêt de piqûres de rappel comme l’émission de France-Inter du 23 septembre 2024 dont on recommande à nos lectrices et lecteurs l’écoute intégrale (46 mn), disponible en balado-diffusion sur le site de la station (voir ci-dessous).
On se rappellera notamment les deux emprunts contractés en 2014 auprès d’établissements bancaires russes de réputation douteuse, soit 11 millions d’euros de crédits pour procéder au sauvetage des finances du parti à la flamme. On a parfois oublié que tout avait été fait pour que ces emprunts demeurent totalement secrets en passant notamment par des montages utilisant l’opacité offerte par… des paradis fiscaux présentés aujourd’hui par ce même parti comme élèments à combattre !
Ainsi en était-il d’un premier prêt de 2 M euros obtenu par Chauprade à travers une convention liant Cotelec ( l’« entreprise » de J.M. Le Pen) et Vernontia Building basé à… Chypre, entreprise financière dirigée par un proche du KGB. Même chose, peu après, pour un deuxième prêt de 9 M euros signé entre J.L. Schaffauser et Babakov, conseiller de V. Poutine via une « petite » banque filiale de Gazprom.
Et le parti remet cela au Printemps 2014 quand la visite de Marine le Pen en personne à Moscou est suivie en septembre 2014 de la signature par le Trésorier du F.N. d’un montage financier passant par… les Îles Vierges Britanniques et le Luxembourg. Et toutes ces magouilles idéologico-politico-financières sortent de l’ombre en Novembre 2014 quand Médiapart révèle tout ces montages bien peu « vertueux » et pas tout à fait désintéressés.
En G.B. aussi, une enquête de Good Law Project parue le 21 septembre 2024 révèle que le parti qui se proclame le plus « patriotique » du Royaume a reçu 16,5 millions de Livres de donateurs dont les avoirs financiers se situent dans les comptes opaques des paradis fiscaux. Certains d’entre eux ne vivent d’ailleurs plus depuis longtemps en G.B… Nigel Farage assure qu’il veut «sécuriser l’avenir de la Grand-Bretagne», mais les finances de son parti dépendent aux deux tiers de gens qui ont « voté avec leurs pieds » et qui possèdent des intérêts situés dans des entités offshore! À partir des Panama Papers, on a pu retrouver trace des avoirs de ces bons patriotes aux Îles Caïman, aux Bermudes et à… Jersey. C’est le cas, par exemple, de Evan Management Limited, qui a offert au parti de Farage la coquette somme de £200,000 cette année. Ce fonds est possédé par Jtc PLC, domicilié à Jersey.
Face à ces accusations, Nigel Farage a eu beau jeu de rappeler qu’une enquête menée par openDemocracy avait mis à jour un don au parti Travailliste ("Labour") de £4m provenant d’intérêts notamment liés aux industries fossiles et de fonds domiciliés aux Îles Caïman...
► L'argent russe du Front National. Diffusé sur Radiofrance, le 23/09/2024. (46 min)
► L'argent russe du Rassemblement national. Dossier de Médiapart, mis à jour publié le 27/06/2024.
► The offshore bonanza powering Reform’s far-right rhetoric. Publié par Good Law Project, le 21/09/2024. (En anglais)
► Labour given £4m from tax haven-based hedge fund with shares in oil and arms. Publié par openDemocracy, le 18/09/2024. (En anglais)
- FRANCE, GB. Erreur de casting. Rachida Dati attribue l’Ordre des Arts et des Lettres à la tricheuse Naomi Campbell
L’information n’a guère filtré dans nos médias (Télé-7 Jours et quelques autres exceptés, semble t-il). Mais la presse étrangère, britannique, notamment (The Independent, et même… le Jersey Evening Post) en a fait ses choux gras, ironisant sur la Ministre française, Rachida Dati, Ministre de la Culture.
L’ héritière (par la grâce du Président Macron…) du Bureau d’André Malraux a, en effet, gratifié du titre de Chevalier des Arts et des Lettres pour « sa contribution à la culture française » une mannequin vedette le jour même, le 26 septembre dernier, où l’impétrante était interdite de diriger des œuvres caritatives…
La Ministre a commencé son discours par ce que certaines et certains ont entendu comme un auto-portrait d’elle-même : "Depuis trois décennies, la mode s’est donnée une reine : Naomi Campbell. Vous êtes une femme qui conjugue la grâce, la puissance, la beauté, la passion, la vie, mais surtout le caractère. Une femme qui, à travers le monde, inspire tant de femmes, mais aussi tant d’hommes. » Puis, toujours selon des propos rapportés pas le média Public, Rachida Dati aurait déclaré : « Vous êtes une certaine idée de la liberté et de l’égalité. Vous avez brisé les barrières, vous êtes une pionnière, une résistante…». Égalité, fallait oser !
Elle venait, en effet, d’être judiciairement « disqualifiée » dans son rôle de « charity trustee » (administrateur d’organisation caritative) et interdite de pratique de cette fonction pour les cinq ans à venir en Grande-Bretagne. Une enquête qui a duré trois ans a révélé que “Fashion for Relief”, l’organisation caritative (« charity ») qu’elle avait fondée en 2005 à la suite de l’ouragan Katrina à la Nouvelle-Orléans n’avait pas respecté ses obligations ni ses objectifs : Unir le monde de la mode pour réduire la pauvreté et faire progresser la santé et l’éducation en assistant financièrement d’autres organisations et en offrant des ressources lors de désastres à l’échelle du monde.
Moins de 9 % des dépenses globales de son organisation sont allées vers des prêts ou des dons visant ces objectifs sur une période de six ans (2016-2022). Mais des milliers de Livres ont été dépensés en séjours luxueux dans des hôtels cinq étoiles, à Cannes en particulier, ainsi que des traitements de soins cosmétiques ou de bien-être, et même de cigarettes…
Bref, belle erreur de casting qui laisse penser qu'en effet Rachida Dati est bien mal renseignée et bien mal inspirée, atteinte elle-même par une mise en examen pour « corruption passive » et ayant vu récemment ses deux pourvois rejetés par la Cour de cassation. Intéressant aussi, pour conclure, de voir combien le statut de "charity" est chargé de bien des ambiguïtés dans le Droit du Royaume-(dés)uni. On a vite oublié que la Crise de 2008 est partie des malversations d'une Charity basée à Jersey ( "Granite") qui a mis en péril une banque populaire écossaise qui a elle-même, à son insu, fait effet boule de neige par défiance généralisée à l'intérieur du réseau inter-bancaire et découverte des "sub-primes". On connaît la suite...
► Naomi Campbell honoured with French medal after charity trustee disqualification. Publié par le Jersey Evening Post, le 26/09/2024.
► Naomi Campbell barred from being charity trustee in England and Wales. Publié par The Associated Press, le 27/09/2024.
► L'ex-super modèle Naomi Campbell interdite de diriger une œuvre caritative en raison de détournements de fonds. Publié par RTL info, le 27/09/2024.
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