Vers un financement socialisé des entreprises

Dans le cadre de la crise sanitaire du Covid-19, le gouvernement met la pression sur les entreprises du BTP pour qu'elles reprennent le travail rapidement, contre l'avis général du corps médical. Pourquoi ? ...Réflexion sur un système de financement des entreprises qui doit changer.

BtpLe gouvernement met la pression sur les entreprises du BTP pour qu'elles reprennent le travail rapidement, contre l'avis général du corps médical. À ce titre, le communiqué du 21/03 du Ministère du travail (1) est d'une violence folle. Ainsi, "il est rappelé que, selon le droit du travail, la responsabilité de l’employeur n’est engagée que s’il ne prend pas les mesures de prévention utiles pour la protection des salariés et qu’il s’agit d’une obligation de moyen." On comprend bien que le gouvernement soutiendra les entreprises qui se seront contentées de donner deux masques et un flacon de gel hydro-alcoolique aux employé·e·s, forcé·e·s à se rendre sur les chantiers.

Produire ou mourir, il faut choisir

On ne peut donc pas s'arrêter de produire. Car alors tout s'effondre. Et pour que la machine continue de tourner, même à vitesse réduite, il faut que les entreprises continuent de rembourser leurs emprunts, de faire des profits et de verser des dividendes.

Cette contradiction n'est-elle pas l'image flagrante, comme disait déjà S. Weil, de la "course mortelle où il faut bander toutes ses énergies pour ne pas rester sur le carreau" dans laquelle se trouve notre système de production et de consommation globalisé ? Ne serait-il pas temps déjà, ou peut-être enfin, de penser la relance, dont a parlé E. Macron lors de son premier discours de crise, à l'aune de ce diagnostic vital engagé ?

L’UE aux abonnés absents

À l'échelle de l'UE, qui paraît si inutile aujourd'hui avec son marché intérieur débile de concurrence libre et non faussée, et autour de la discussion sur la PAC, il est possible de repenser la façon dont les entreprises se procurent des fonds pour avoir les moyens matériels de travailler. En effet, les entreprises devraient pouvoir se les procurer sans s'endetter auprès d'un organisme privé qui exigera d'être remboursé coûte que coûte, même durant une crise sanitaire mondiale.

Les solutions existent

On devrait créer des banques socialisées d'investissement par secteur d'activité en commençant par celui de l'agriculture. Elles pourraient être administrées par les travailleurs et travailleuses de ce même secteur ainsi que par les consommateurs et consommatrices à qui il incomberait de fixer les règles de la production. En effet, la somme des intérêts individuels des propriétaires des moyens de production (c'est à dire les capitalistes ou plus simplement l'ensemble des personnes dont les revenus sont principalement liés à ce qu'ils possèdent) est incapable de faire des choix de production pour l'intérêt général. On le voit avec l'insuffisante production de masques FFP2 ou encore avec l'industrie automobile qui continuait jusqu'au COVID-19 à produire de plus en plus de SUV (des 4x4 pour la ville !) bien que ce soit un non-sens écologique.

C'est à la BCE d'injecter, au démarrage, de l'argent dans ces banques d'investissement. Les entreprises du secteur seraient alors soumises à une cotisation en fonction de la valeur ajoutée qu'elles arriveraient à produire.

Pas besoin de faire table rase de l'ancien système. Ce nouveau type de cycle de financement de l'investissement, peut venir s'ajouter, secteur par secteur, et s'intensifier de façon programmée jusqu'à rendre obsolète l'autre vieux système.

Changer le système c’est réorienter les financements

Deux cycles de financement de l'investissement s'affrontent :

  • Prêts aux entreprises par les banques privées > production et vente > Remboursement des dettes quelle que soit l'utilité de la production > Création de valeur ajoutée capitaliste > Retrait d'un profit > Prêts aux …

Dans ce système les banques ne prêtent qu'aux seules entreprises en capacité de rembourser leurs emprunts.

  • Subventions aux entreprises qui répondent aux critères de transition > Création de valeur > Paiement d'une cotisation en fonction de ce que l'entreprise a réussi à produire > Choix collectif des critères de sélection des entreprises > Subventions aux …

Attac Pays malouin - Jersey

 

(1) COVID-19| Continuité de l’activité pour les entreprises du bâtiment et des travaux publics

 

Pour aller plus loin

Comment une entreprise peut-elle financer ses investissements (machines, locaux, …) pour produire davantage ?

  • cas d'une « start-up » (aucun profit à court terme mais perspectives intéressantes à long terme) : elle va essayer de convaincre des fonds d'investissement d'apporter du capital (c'est à dire de devenir actionnaires).
  • cas d'une PME : soit elle recourt à l'autofinancement (elle finance avec son épargne) soit elle recourt à l'emprunt auprès de sa banque, qui va décider de lui prêter ou pas en fonction de sa capacité à rembourser le capital prêté et les intérêts.
  • Grosse entreprise : de multiples façons de se financer. Elle peut faire appel public à l'épargne soit dans un cercle restreint d'investisseurs, soit sur le marché financier si elle est cotée. Elle aura aussi un accès très large au crédit bancaire.

Une entreprise qui n'est plus en mesure de payer ce qu'elle doit (salaires, cotisations, impôts remboursements) doit s'adresser au tribunal de commerce (dépôt de bilan) qui peut décider le maintien de l'activité si, à terme, on peut penser que l'entreprise pourra rembourser ce qu'elle doit (procédure de redressement). Sinon la liquidation est prononcée (transformation des tous les actifs en monnaie pour rembourser tous les créanciers, y compris les salariés).

Dans une crise conjoncturelle comme actuellement, les entreprises ne sont pas payées par leurs clients et donc ne peuvent pas payer leurs fournisseurs (on est là dans le crédit inter-entreprises), voire leurs salariés. Elles vont se tourner vers leurs banques pour obtenir de l'argent à court terme.
Mais il ne s'agit pas d'investissement, il s'agit du fonctionnement courant.

Dividendes : dans les dettes d’une société, il n'y a jamais les dividendes aux actionnaires.
Ils ne sont dûs que si la société fait des profits. Mais depuis une trentaine d'années, les apporteurs de capitaux considèrent qu'ils ont un droit absolu aux dividendes.

Pour aller plus près

L'exemple de la fermeture de l'usine d'Honeywell, fabriquant des masques jusqu'en 2018, est un exemple frappant des décisions d'actionnaires allant à l'opposé de l'intérêt général. Retrouver l'article sur notre site :

Que se cache-t-il derrière la fermeture de l’usine Honeywell de Plaintel ? Un scandale d’Etat !

 

N.B.:

  • Nous vous invitons à nous envoyer des exemples positifs de "déjà-là", d'entreprises ayant réussi un investissement productif de façon alternative.
  • Nous organiserons par la suite une soirée vidéo-débat à la levée du confinement sur le thème du financement des entreprises.