Gisèle Halimi, de tous les combats, du nôtre aussi, à Jersey en 2001

À cette occasion, on vit débarquer plus de 200 militants, pacifiques mais déterminés, à Jersey, après des mois de négociation avec les autorités de l'Ile. Frank Norman, Adrian Walton (décédés depuis), et quelques autres courageux Ilais nous avaient alors accueillis et créé immédiatement l'antenne jersiaise de notre association.

Outre la dénonciation des pratiques financières scandaleuses, ils insistaient sur la discrimination qui existait sur l'Ile et qui existe toujours entre les Jersiais et la plupart des citoyens britanniques ou ressortissants de l'UE résidant à Jersey qui y combinent les avantages, notamment fiscaux, qui leur sont fournis par Jersey et ceux, sociaux, sanitaires, éducatifs etc liés à leur appartenance à l'U.E. dont sont exclus les natifs de Jersey. Ceci est désormais connu.

Nous pensions trouver là un levier possible pour attaquer le régime dérogatoire et discriminant, et, au-delà, le statut juridico-politique qui le rendait possible. Ce statut résulte du Protocole N°3 du Traité d'adhésion de la GB à l'U.E. C'est aussi ce statut qui constitue la base du "paradis fiscal et judiciaire" qui bénéficie à l'industrie financière et non à la population de Jersey.

Charles Josselin, notre voisin de Pleslin-Trigavou dont il était natif, député pour la circonscription de Dinan, venait d'être nommé quatre ans auparavant secrétaire d'État à la coopération dans le gouvernement de Lionel Jospin, au sein du Ministère des Affaires Étrangères. Contacté par nos soins, il marqua un vif intérêt pour notre démarche envisagée sous l'angle d'une plainte à la Cour Européenne de Justice. Il prit l'initiative de contacter sa "vieille amie" Gisèle Halimi, alors co-fondatrice d'Attac, qui nous répondit favorablement, sans aucune hésitation, profondément choquée par les faits que nous lui exposions.

Peu de temps après, un rendez-vous nous fut donné par le Ministère des Affaires Étrangères. Serge Le Quéau, notre ami briochin et membre du Bureau national d'Attac, Jean-Louis Perrault, alors Président de notre comité local, Frank Norman, Président du comité Attac de Jersey, et Jacques Harel du comité Attac de Saint-Malo, y retrouvèrent Charles Josselin et Gisèle Halimi qui avait monté un dossier ad-hoc dont les conseillers techniques du ministère prirent connaissance avec stupéfaction. Ils découvraient tout simplement alors la réalité de cette entité politique qui, comme les autres "paradis" fait commerce de sa souveraineté au détriment de sa propre population. Pour mémoire, le fameux Appel des Juges européens était "sorti" cinq ans auparavant. Gisèle Halimi déploya ce soir-là tout le talent qu'on lui connaît, elle fut vraiment impressionnante. Elle insista notamment pour laisser longuement la parole à Frank Norman dont Jacques Harel traduisit les propos et la colère à peine contenue face à cette Europe qui laissait faire, déjà...

Au final, hélas, le dossier fut considéré comme non recevable car les jersiais eux-mêmes n'avaient pas épuisé les voix de recours judiciaires de leur pays. Quand on sait qu'à l'époque bailli, gouverneur, et autorité judiciaire appartenaient aux mêmes cercles et même parfois à la même famille ilaise, l'affaire était entendue. Nous possédons d'ailleurs leurs très hypocrites réponses adressées à Adran Walton et à Frank Norman, répétant en boucle que le fameux Protocol N°3 ne serait jamais renégocié...

Nos ami(e)s d'Attac Jersey n'en ont pas moins redoublé ensuite leur énergie critique et leur combat appartient, comme celui de Gisèle Halimi, à ce vaste mouvement d'émancipation des peuples auquel Attac apporte sa contribution. Des pages entières sont consacrées aujourd'hui dans les médias à la vie et à l'activité militante de Gisèle Halimi, dont ses formidables combats féministes et anti-coloniaux. Bien des larmes de crocodile sont jetées sur sa mémoire par ses anciens adversaires, mais une action comme celle à laquelle elle accepta si spontanément de participer avec nous, dans sa relative modestie, nous paraît emblématique de sa profonde sensibilité à toute injustice chez nous et dans le monde.

On pourra retrouver un écho de cette rencontre dans un des dossiers d'Attac 35 ci-dessous, en notant une petite erreur sur la date de l'année, 2001, non 2002.
Les paradis fiscaux et la mondialisation. Comment les paradis fiscaux encouragent la corruption, perturbent les marchés et mettent en péril les démocraties.