Marche ou crève !
- Le 17/09/2015
- Dans Local
Dans ses déambulations de l’été, plus ou moins erratiques, Le Malotru, toujours l’œil aux aguets et la plume au vent marin, est tombé en arrêt devant le point d’information Europe placé dans le hall de cette grande passerelle tendue vers un avenir radieux -du moins si l’on en croit la communication municipale sur le sujet- qui trône dans le « new center » de notre bonne ville de Saint Malo. Une publication au titre accrocheur a sollicité sa rétine généralement réticente aux écrits péremptoires : « L’Europe en marche n° 10 ».
». « Diable, l’Europe avance et je ne le savais pas ? » se réprimanda le contre-journal en son for intérieur. A y regarder de plus près, il s’agissait en fait d’un opuscule concocté par une prétendue union supposément européenne dont la presse autorisée nous rapporte quotidiennement les déchirements spasmodiques et les accommodements sporadiques. Ouf ! Le visage du Malotru, un instant empourpré d’une honte imméritée, retrouva illico ce teint de pêche qui fait son succès. Bon, se dit-il, la marche de l’Europe, ça nous concerne quand même un brin, sacrebleu ! En marche, soit, mais pour aller où ? Faisons un effort, lisons.
A la lecture de ce qui suit, ne va pas imaginer, cher lecteur, chère lectrice, qu’un bref instant d’effroi a fait perdre au Malotru le peu de raison qui lui reste. Voici ce que l’on peut lire page 4 sous le titre :
Une action européenne en écho aux préoccupations de la communauté internationale. Quels sont les objectifs du millénaire pour le développement ?
1) Eradiquer l’extrême pauvreté et la faim
2) Assurer l’éducation primaire pour tous
3) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomie des femmes
4) Réduire la mortalité infantile
5) Améliorer la santé maternelle
6) Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies
7) Préserver l’environnement
Toujours méfiant, surtout quand il s’agit de déclarations lénifiantes émanant d’un pouvoir quel qu’il soit, Le Malotru se dit qu’il fallait sans plus attendre chercher dans l’actualité les faits qui viendraient corroborer ces déclarations résolument humanistes. Et ce fut la révélation. C’était bien là, là où la troïka dispense ses remèdes miracles, c’était sûrement en Grèce qu’on allait les trouver. Et ça n’a pas raté.
- Eradiquer l’extrême pauvreté et la faim :
Bingo ! Il fallait en effet calmer la faim des lobbies allemands en leur permettant de dévorer goulûment les aéroports grecs et mettre du même coup leurs actionnaires à l’abri de la pauvreté.
- Assurer l’éducation primaire pour tous
Que n’y avons-nous pensé plus tôt : moins de fonctionnaires, donc moins d’enseignants, ça fait plus de place pour les élèves.
3) Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomie des femmes
C’est vrai ça, réduire les aides à la maternité ça rend les femmes plus autonomes ; ça leur fait faire moins d’enfants et en plus il y en aura moins à caser dans l’enseignement primaire ; et d’ailleurs, est-ce que les hommes en touchent eux, des allocations de maternité ? Egalité des sexes, je vous dis !
4) Réduire la mortalité infantile
C’est vrai, la mortalité infantile est passée de 6,3‰ en 2003 à 9‰. Question : les enfants grecs seraient-ils plus fragiles que les autres enfants en Europe ?
5) Améliorer la santé maternelle
Les dépenses de santé en Grèce représentent 4,5 % du PIB quand la moyenne européenne est au-dessus de 7 %. Bon d’accord. Mais malgré tout la demande de soins a augmenté de 30%. Ah ! C’est vrai que l’offre s’est réduite de 40 % et le personnel de 30 %. Mais après tout, qui paye sa dette illégitime soigne ses créanciers. Il doit bien y avoir des mères de famille dans le tas.
6) Combattre le VIH/SIDA, le paludisme et d’autres maladies
Le poumon, vous dis-je, le poumon…On pourrait ajouter la tuberculose, la malaria et la rage qui ont réapparu grâce à l’action bienfaisante des messieurs Purgon de la dette grecque.
7) Préserver l’environnement
Forcément, en obligeant la Grèce à vendre ses îles, elles seront mieux protégées maintenant par tous les milliardaires de la planète dont on sait combien ils sont soucieux de leur environnement.
Rien ne saurait mieux résumer ce sympathique florilège que la conclusion qui suit, tirée elle aussi de ce merveilleux opuscule :
Faire en sorte que la mondialisation serve tous les êtres humains dans le monde.
Le Malotru laisse à la perspicacité de ses lecteurs et lectrices le soin de choisir parmi les propositions suivantes, celle qui aidera le mieux à la compréhension :
- les Grecs ne font pas partie de la communauté des êtres humains de notre belle planète
- Les grecs font tout un drachme de devoir payer une dette qui n’est pas la leur
- L’evzone euro n’est pas faite pour les Grecs
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