Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins

Construire un nouveau modèle de société : une réflexion politique qui n’a pas pris une ride.
Intervention d’un syndicaliste CGT militant d’Attac lors du congrès du syndicat CGT de la métallurgie à Dijon le 21 novembre 2017.

Comme au début du 20ème siècle où le capitalisme naissait, ce début de siècle est le théâtre d’une nouvelle construction du monde. Le rêve du capitalisme est presque à son apogée : faire de l’argent avec de l’argent.

Face au nouveau monde qui vient, nous ne pouvons plus faire l’économie d’une réflexion politique afin de construire un nouveau modèle de société, non seulement capable de redonner de l’espoir aux gens qui souffrent, mais de prendre le meilleur des chemins de cet aiguillage.

Sommes-nous prêts à nous battre comme nos aînés en 1895 (création de la CGT) et en 1906 (chartes d’Amiens) sur un vrai projet politique révolutionnaire ?

Doit-on continuer à s’indigner, à faire des constats et à exercer un syndicalisme défensif en réponse aux attaques de nos ennemis?

LES CONSTATS

  • La redistribution de la valeur créée par chacun sous forme de salaire et de cotisations sociales est malmenée depuis les années 1970.
  • L’augmentation de la productivité, les délocalisations et maintenant l’emprise du numérique et de l’intelligence artificielle dans tous les métiers ne profitent pas aux producteurs mais aux possédants et au système financier.
  • Le travail se développe mais il est absorbé par des algorithmes et donc les emplois industriels diminuent.
  • Malgré les crises économiques récurrentes depuis les années 1970, les PIB des grandes puissances continuent de croître. Le chômage, la pauvreté et les dividendes versés aux actionnaires aussi.
  • Pendant ce temps, la prolétarisation organisée par l’industrie en développant la standardisation engendre la perte des savoirs et des savoirs faire des ouvriers, cadres et techniciens.
  • Avons-nous suffisamment réfléchi au contexte dans lequel se déroule la globalisation et la numérisation de l’économie ?

Durant toute ces années, nous avons participé à la gestion de la pénurie en tant que partenaires sociaux.

Avons-nous réussi à rendre les gens moins pauvres ?

Avons-nous gagné des contreparties ?

Comment faire comprendre aux gens les enjeux et les changements à venir ?

Pendant toutes ces années, la montée de l’extrême droite s’est amplifiée jusqu’à contaminer certains syndicats. Cela continuera tant que l’on maintiendra l’illusion d’une société capitaliste basée sur la croissance infinie et fondée sur l’emploi comme processus de fabrication des marchandises.

La Loi travail XXL ne date pas de 2017, elle poursuit un processus engagé depuis plus de 20 ans,

Pour rappel à titre d’exemple :

  • 1993 - Loi Balladur. Création des DUP entreprises de moins de 200 salariés
  • 2000 - Lois Aubry
  • 2004 - Rapport de Virville. ex DRH de Renault. Proposition de création d’un conseil d’entreprise regroupant CE/DP dans les entreprises de 250 salariés
  • 2004 - Loi Fillon. Ordre public dérogatoire pour les accords de branche si voté par une majorité de syndicats
  • 2007 - Loi Larcher.  Obligation d’avoir une phase de concertation avant de négocier et de légiférer – c’est le gouvernement qui détermine les sujet et le calendrier d’application
  • 2008 - Loi sur la représentativité. Abandon de représentativité irréfragable – avec pour conséquence la suppression de l’élection des représentants prud'homaux au suffrage universel. Les conséquences sur notre représentativité risque de s’aggraver avec la parité femme/homme et nos absences de candidat au collège 3 (IC)
  • 2013 - Loi LSE,  loi sécurité de l’emploi. Sécurisation des procédures, PSE, évitement du juge judicaire, délai préfix et création de l’ICCHSCT… pour le gouvernement : plus de souplesse pour les entreprises, plus de droit pour les salariés.
  • 2015 - Loi sur le dialogue social, loi Rebsamen. DUP, IU etc…
  • 2016 - Loi travail (el Komery).  Temps de travail – inversion hiérarchie des normes
  • 2017- Ordonnances Macron. DUP quel que soit l’effectif de l’entreprise

PROPOSITIONS

Nous devons donc nous attaquer à une double besogne :

  • Améliorer les conditions d’existence et de travail de nos concitoyens.
  • Protéger les emplois, défendre les syndicalistes menacés car c’est notre rôle.

Mais nous pourrons continuer à la faire que si nous devenons force de proposition en réfléchissant à la mise en place d’un autre modèle de société dans lequel le travail renaîtra de ses cendres, dans lequel les conditions d’existence de chacun seraient améliorées et en prenant pleinement en compte l’urgence climatique qui est le plus grand défi de ce début de siècle.

Ma conviction est que si ces 2 batailles ne sont pas menées simultanément, le combat sera perdu à brève échéance. Si nous ne prenons pas en compte toutes ces considérations, nous serons dépassés par les changements en cours qui sont imposés par la vision de l’oligarchie financière mise en œuvre par les politiciens qui nous gouvernent.

CONCLUSION

Pour mettre en œuvre ce modèle de société, nous devons nous associer pour réfléchir et combattre avec ceux qui partagent la même vision du futur que nous : l’ensemble du Mouvement Syndicaliste, militants politiques et  des ONG, acteurs de l’économie solidaire et associatifs, salariés du secteurs public et privé, intérimaires, privés d’emploi, artisans, professions libérales, travailleurs indépendants, petits paysans, auto-entrepreneurs, petits patrons sous-traitants des donneurs d’ordre des grandes entreprises etc…

Ce combat doit être associé à un projet de société d’envergure et en phase avec les enjeux soulevés, ce qui permettrait de retrouver l’ensemble du monde du travail qui nous a quitté  (ouvriers ) ainsi que les ingénieurs, cadres et techniciens qui souhaitent participer à la création d’un nouveau modèle de société.

Ce combat de « créer des jours heureux » a toujours été celui de la CGT. La CGT ne pourra pas le mener seule, mais elle a encore les moyens si elle le décide d’en être la cheville ouvrière.

Dijon le 21 novembre 2017